
Ouvertes mardi 5 décembre dernier, les négociations entre la mission du Fonds monétaire international et le Congo se poursuivront jusqu’au 20 décembre prochain. Derrière les rideaux étanches des cabinets ministériels, se joue l’avenir du Congo. Les experts du Fmi et les autorités congolaises sont en train de creuser les nouveaux sillons de l’économie congolaise à travers des échanges parfois glacials. Après des instants de suspicion et de réactions avisées, notamment sur les questions liées à la gouvernance et à la transparence, la compréhension et la confiance règnent dans les échanges. Les négociations en cours pourraient déboucher sur la formulation d’un programme économique et financier soutenu par le Fmi.
Dès l’entame de la mission mardi dernier, le chef de mission du Fmi, Abdoul Aziz Wane a énoncé les trois principaux axes des négociations que sont : le rééquilibrage du budget exercice 2018, la gouvernance et la soutenabilité de la dette du Congo évaluée à environ 110% du Produit Intérieur Brut (PIB) ; soit 5.329 milliards de francs CFA. A en croire certaines indiscrétions, le bout du tunnel n’est plus loin pour le Congo qui attend son programme économique et financier, comme l’ont déjà fait d’autres pays de la zone CEMAC, en l’occurrence le Gabon, le Cameroun, le Tchad et la RCA. Mais, il lui faut encore gagner le pari des exigences formulées par le Fmi ; des exigences se rapportant aux trois axes conducteurs des négociations. En effet, les deux parties devraient accorder leurs violons sur un train de mesures sans doute drastiques, mais aussi incontournables.
Ainsi, s’agissant du « rééquilibrage du budget exercice 2018», il est question pour le Congo de s’engager à couvrir le gap budgétaire constaté, en diversifiant le portefeuille d’activités contributives au budget de l’Etat, notamment l’implication des entreprises et établissements publics. Ensuite, sur instruction personnelle du Chef de l’Etat, les autorités congolaises sont appelées à adopter une politique sociale très ambitieuse, en renforçant la part du budget consacrée au financement des projets destinés à la jeunesse et aux femmes. Tel est d’ailleurs l’engagement pris par le Président Denis Sassou-N’Guesso devant la directrice générale du Fmi, Christine Lagarde, en décembre 2016.
Les réformes en cours méritent d’être poursuivies, pour promouvoir une croissance inclusive, notamment dans les secteurs non-pétroliers. Cette croissance doit générer une augmentation durable du bien-être. Cela suppose un partage équitable des dividendes de la croissance entre individus et groupes sociaux. En somme, engager le pays dans des réformes qui pourraient libérer le potentiel du secteur privé, en créant des emplois et en réduisant la prévalence de la pauvreté...« Cet objectif ne pourra être atteint que dans un cadre transparent où l’information sur la gestion des ressources de l’Etat est mise à la disposition de la population congolaise et des organisations de la société civile », a indiqué la chef de la mission du Fmi. Dans les différents contacts qu’il a eus avec les ministères et sociétés, Abdoul Aziz Wane a insisté sur le principe de transparence qui, à en croire ses affirmations, n’est pas observé au Congo, indépendamment de l’adhésion du pays à l’ITIE.
La « gouvernance » qui constitue le second pilier des négociations est un sujet sensible, mais pas tabou. La gouvernance, entendue comme la manière dont le gouvernement gère les ressources du pays, assure le fonctionnement et le contrôle de l’Etat, en vue de son développement, au profit de l’intérêt général, constitue l’une des clés de la croissance inclusive. Sur la gouvernance et la transparence, le ministre en charge de l’économie, Gilbert Ondongo a réagi en attirant l’attention de la mission du Fmi, en faisant un distinguo entre la faiblesse de l’appareil statistique et le manque de transparence, donc de mal gouvernance. Le chef de la mission du Fmi suggère que la Congo qui n’a pas bonne presse à sujet, adopte des stratégies qui conviennent pour corriger cette image négative. A l’issue de la dernière mission du Fmi, le Congo s’était engagé à mener une étude-diagnostic sur les questions de gouvernance, pour soutenir des mesures visibles et crédibles visant à améliorer la gestion des entreprises et établissements publics, y compris la Société nationale des pétroles du Congo. Pour assainir cet environnement devenu insalubre, la lutte contre la corruption constitue une thérapie de choc sur laquelle le Chef de l’Etat marque un point d’honneur.
Au sujet de « la soutenabilité de la dette publique » qui constitue le troisième axe des négociations, Abdoul Aziz Wane a indiqué qu’elle est liée aux recettes prévisibles qui permettront à l’Etat de faire face aux intérêts de ladite dette et autres charges. Elle est évaluée à environ 110% du Produit Intérieur Brut (PIB), soit 5.329 milliards de francs CFA, hormis les dettes jugées litigieuses et les arriérés intérieurs accumulés depuis 2014. C’est ainsi qu’il est demandé au Congo de prendre ses engagements en tant qu’Etat responsable, en donnant des gages sûrs et clairs, c’est-à-dire, exprimer sa capacité à rembourser ses emprunts et à rétablir sa solvabilité. Ceci à un moment où l’activité économique du pays continue de se contracter, alors que les dépôts du gouvernement ne cessent de diminuer.
Aujourd’hui, il est question pour les autorités, de travailler à renforcer l'intégrité des processus de gestion du budget, de la trésorerie, et à prioriser les dépenses, afin d'éviter l'accumulation des arriérés. Parallèlement à cette démarche, le gouvernement est tenu de négocier avec ses créanciers, en tête desquels la Chine, afin d’obtenir la possibilité de "reprofiler ou refinancer" sa dette.
Jules Débel