COMMUNICATION DE MONSIEUR LE MINISTRE D’ETAT, MINISTRE DE L’ECONOMIE, DE L’INDUSTRIE ET DU PORTEFEUILLE PUBLIC A L’ASSEMBLEE GENERALE DU CONSEIL ECONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL
Discours
5. 8. 2020 | Ministre
INTRODUCTION
Depuis le début de l’année, le monde vit une situation économique et sociale inédite, engendrée par la pandémie de Covid-19.
Jamais les économies des différents pays du monde n’avaient été plongées, presque toutes en même temps, dans une récession aussi profonde.
Jamais les emplois, à travers le monde, n’ont été menacés de suppression dans des proportions aussi larges.
Jamais le monde dans son ensemble ne s’était plus trouvé, depuis la deuxième guerre mondiale, dans une incertitude aussi grande.
Dans le sillage de la pandémie de Covid-19, tout aujourd’hui, en matière économique et social, semble relever de ce que l’on peut considérer comme des premières.
Pour la première fois, plus de la moitié de la population mondiale a été confinée à domicile, pendant au moins un mois, par décision des Etats.
Pour la première fois, plusieurs Etats à travers le monde avaient décidé d’arrêter le fonctionnement normal de leurs économies, les poussant ainsi vers la récession.
Pour la première fois, depuis que sont élaborées les statistiques nationales et internationales, l’économie mondiale pourrait connaitre en fin de cette année une croissance négative au-delà de 5%. Ce serait -5,2% selon les projections de la Banque mondiale faites le mois dernier.
Pour la première fois, on pourrait enregistrer en moins d’une année, suivant une étude récente de l’organisation internationale du travail, 1 milliard 250 millions d’emplois supprimés à cause d’une pandémie, celle de Covid-19.
Autant de premières qui confirment, s’il en était encore besoin, le caractère inédit, exceptionnel de ce que le monde connait actuellement.
Dans ce monde, il y a le Congo, notre pays.
Il a procédé au confinement général à domicile de la population pendant plus de 45 jours. Il a arrêté le fonctionnement de toutes les activités (économiques, sociales, sportives et culturelles) jugées non essentielles. Il s’est coupé du monde en fermant toutes ses frontières aux voyageurs. Il a subi et subit encore le choc de l’arrêt ou plutôt du fort ralentissement des activités économiques à travers le monde.
Quelles en sont, à ce jour, les conséquences économiques ?
Comment espère-t-on en sortir ?
C’est ce sur quoi porte mon exposé de ce jour.
Pour les conséquences économiques, j’essaierai, dans ma présentation, d’être le plus possible factuel. Pour l’avenir, ce sont les résolutions déjà prises par le Gouvernement ou la Coordination nationale de la gestion de la pandémie de Covid-19 qui en sont le substrat.
I.CONSEQUENCES ECONOMIQUES NATIONALES DE LA PANDEMIE DE COVID-19
Nous les examinerons en nous fondant sur les indicateurs suivants :
- le taux de croissance économique ou le niveau d’évolution des activités économiques ;
- le taux de chômage ou le niveau d’évolution de l’emploi dans les différents secteurs ou branches de l’économie nationale ;
- le taux d’inflation ou le niveau général d’augmentation des prix ;
- le solde budgétaire ;
- le solde du commerce extérieur.
1.La croissance économique nationale.
Selon les dernières prévisions de la BEAC, faites au début du mois de juillet, la croissance économique du Congo, dans un scénario réaliste, sera en 2020 de -12,3% et de -20,4% dans un scénario pessimiste.
Au deuxième trimestre de l’année en cours, la croissance économique est ressortie négative dans notre pays, malgré le frémissement observé en fin du mois de juin, à la suite des deux premiers paliers du déconfinement.
Selon les résultats des enquêtes mensuelles d’UniCongo, portant sur des échantillons composés, selon le mois, de 267 à 300 entreprises, l’évolution de l’activité des entreprises ou précisément du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises, entre mars et avril 2020, a été en moyenne, pour tous les secteurs d’activités, de -66%, entre avril et mai -45% et entre mai et juin -0.5%.
Il convient de noter que pendant le mois d’avril 2020, en plein confinement, les activités autorisées avaient chuté en moyenne de plus de 50%, notamment -83% pour les services et professions libérales, -59% dans la sous-traitance pétrolière, -58% dans le commerce des produits dits essentiels et -55% dans les industries agro-alimentaires.
S’agissant des activités non autorisées, on avait enregistré -96% dans l’hôtellerie et la restauration, -95% dans le transport aérien et -92% dans les bâtiments et travaux publics.
En vérité, tous les secteurs de l’économie nationale sont fortement touchés par les effets désastreux du coronavirus Covid-19. Certains, notamment le tertiaire et le secondaire, à l’exception des industries agro-alimentaires, subissent le choc de façon plus violente.
Même le secteur primaire, secteur de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, qui produit des biens jugés essentiels, avait connu une baisse d’activités : -34% entre mars et avril 2020 et -29,5% entre avril et mai 2020.
Le confinement à domicile et les difficultés à circuler des actifs de ce secteur ont largement contribué à cette baisse de la production.
Les industries agro-alimentaires, ont vu leur production reculer de 55% entre mars et avril 2020, à cause principalement de la baisse de la consommation et des perturbations enregistrées dans les réseaux de distribution de leur production.
Avec l’épidémie de Covid-19 qui n’est pas encore maîtrisée dans notre pays, une croissance économique nationale négative à deux chiffres en fin d’année 2020 ne représenterait pas une grande surprise.
2.L’évolution de l’emploi.
Suite à des enquêtes effectuées auprès de plus ou moins 300 entreprises du secteur formel, il est établi que le chômage ressortait en fin avril 2020 en moyenne à 43% des effectifs employés avant la survenue de l’épidémie au Congo. Il est descendu à 37% en mai 2020 et à 26% en juin.
Les plus forts taux de suppression d’emploi (temporaire ou définitive), ont été enregistrés dans les branches dont les activités avaient été jugées non essentielles au moment où entrait en vigueur, pour la première fois, l’état d’urgence sanitaire.
A titre d’illustration, on avait enregistré un taux de chômage de : 84% dans le transport aérien ; 78% dans les industries métallurgiques, de chaudronnerie et des peintures industrielles ; 68% dans l’hôtellerie et la restauration et 62% dans les bâtiments et travaux publics.
Même dans les branches d’activités jugées essentielles, pendant le confinement, les taux de chômage enregistrés en fin mai 2020 étaient assez élevés : 49% dans les assurances ; 43% dans la sous- traitance pétrolière ; 41% dans les industries agro-alimentaires et 38% dans le commerce des produits dits essentiels.
3.L’inflation.
Il y a eu une hausse des prix des produits de consommation courante jugés essentiels et des produits utiles pour la prévention (masques, gel hydroalcoolique, ---) peu avant et peu après l’entrée en confinement.
A ce jour, des tensions inflationnistes persistent sur certains produits de consommation courante dont l’approvisionnement n’est pas régulier ou a lieu avec des quantités inférieures à la demande.
De façon générale, après une maîtrise de l’augmentation des prix en 2017, 2018 et 2019, l’inflation au-dessus de la norme de 3%, retenue par la CEMAC, devrait réapparaitre en 2020.
L’épidémie de Covid-19, ayant engendré une baisse de la production et surtout désorganisé les circuits de distribution, contribuera vraisemblablement au retour de l’inflation au-dessus de la norme Communautaire.
Les projections de la BEAC retiennent un taux d’inflation de 3,5% en 2020 pour notre pays.
4.Les finances publiques et le solde budgétaire.
La loi de finances rectificative (du 13 mai 2020) présente des finances publiques en nette dégradation, en liaison avec la pandémie de Covid-19.
On passerait ainsi d’un excédent budgétaire, dans la loi de finances initiale de 2020, de 514 milliards 722 millions fcfa à un déficit budgétaire, dans la loi de finances rectificative, de 779 milliards 740 millions fcfa.
Le niveau élevé du déficit budgétaire résulte de la baisse importante des recettes budgétaires, qui passeraient de 2.175 milliards 385 millions fcfa dans la loi de finances initiale à 1.082 milliards 903 millions fcfa dans la loi de finances rectificative.
Les recettes fiscales tomberaient de 846 milliards 984 millions fcfa à 347 milliards 663 millions fcfa, soit une perte de recettes de 59%.
Les recettes pétrolières chuteraient de 1.200 milliards fcfa à 491 milliards fcfa.
5/ Le solde du commerce extérieur.
Selon les prévisions conjointes du FMI et des autorités nationales, le commerce extérieur connaîtra une forte dégradation en 2020.
Les exportations en valeur reculeront de 57% et les importations de 26%.
La forte chute des exportations en valeur s’explique principalement par la baisse des prix du pétrole brut, principale matière exportée par le Congo. La baisse des importations résulte à la fois du ralentissement des activités de production nationale et de la baisse de la demande intérieure, auxquels il faut ajouter différentes difficultés à importer désormais.
La balance du commerce extérieur qui, au début de l’année 2020, était projetée positive (+7,3% du PIB) sera finalement négative (-8,8% du PIB).
II.MESURES DE SORTIE DE RECESSION
A ce jour, l’économie nationale continue de s’enfoncer dans la récession. Il y a lieu d’y remédier en deux étapes : la stabilisation de la situation d’abord et la relance en suite.
Pour stabiliser la situation économique nationale, le Gouvernement a retenu deux types de mesures : budgétaires et interventions du système financier.
a/ les mesures budgétaires.
Les premiers déjà en application ont trait aux recettes publiques.
Il s’agit principalement de la baisse de la pression fiscale, du réaménagement des obligations fiscales, de la suspension des contrôles fiscaux et d’extension des délais de déclaration et de paiement de certains impôts et taxes, au profit des entreprises.
Pour ce qui concerne la baisse de la pression fiscale, la loi de finances rectificative (du 13 mai 2020) retient :
- la baisse du taux de l’impôt sur le bénéfice des sociétés (IS), de 30 à 28%, pour l’exercice 2020 ;
- la baisse de deux points du taux de l’impôt global forfaitaire (de 7 à 5% ou de 10 à 8% du chiffre d’affaires annuel, selon la nature des activités de l’entreprise assujettie à cet impôt) ;
- la défiscalisation à 100% des dons faits à l’Etat dans le cadre des Fonds mis en place à la suite du déclenchent de la pandémie de Covid-19.
A ces premières mesures budgétaires, s’ajoutent d’autres à mettre en œuvre qui portent sur les dépenses budgétaires.
L’Etat se propose de réaliser des dépenses à hauteur de 300 milliards fcfa, dans le cadre du plan de stabilisation, au profit des entreprises et des ménages en grande difficulté ainsi que des personnes vulnérables vivant seules.
Le Fonds national de solidarité (FNS), créé dans la loi des finances rectificative sous la forme d’un compte spécial du trésor, doit pouvoir remplir en partie ces missions.
Une inscription budgétaire de 100 milliards fcfa est faite au crédit du compte FNS. Elle sera affectée aux dépenses suivantes :
- garantie de l’Etat pour les prêts accordés par les institutions financières aux entreprises, artisans et autres acteurs du secteur informel ;
- lignes de crédits ouvertes par l’Etat et domiciliées dans les banques et établissements de microfinance, devant profiter aux entreprises et acteurs du secteur informel sous la forme de prêts ;
- subventions directes d’investissement ou d’exploitation faites par l’Etat. Autrement dit, paiement des équipements ou des intrants pour le compte des entreprises ou des acteurs de l’informel, par le truchement d’une banque publique ;
- prise en charge partielle par l’Etat des salaires des employés mis au chômage technique ;
- transferts monétaires par l’Etat au profit des ménages et personnes vulnérables.
Toujours dans le cadre de la stabilisation de l’économie par la dépense budgétaire, on devra, après une sélection des entreprises en fonction du nombre de leurs employés et de leur viabilité, procéder au paiement, dans les mois à venir, d’une partie de la dette intérieure déjà auditée. Le montant des paiements devrait s’élever à 100 milliards fcfa.
Aux affectations du FNS et au paiement de la dette intérieure devraient s’ajouter les commandes publiques, pour un montant total de 100 milliards fcfa, toujours dans le cadre du plan de stabilisation, à réserver prioritairement aux entreprises et autres opérateurs économiques locaux.
b/ Les interventions du système financier national.
Le seul instrument budgétaire, dans un contexte où l’Etat n’a pas de beaucoup de marge, ne saurait suffire à stabiliser la situation économique nationale. D’où le recours justifié aux interventions du système financier.
Du système financier national sont attendus deux types d’interventions : le retraitement des crédits en cours et l’ouverture de nouveaux prêts aux entreprises et aux acteurs de l’informel.
Pour le retraitement des crédits en cours il s’agit, pour les établissements de crédit et les établissements de microfinance, de faire, au cas par cas, des moratoires au profit des emprunteurs n’arrivant plus à rembourser les prêts depuis la survenue au Congo de
la pandémie de Covid-19.
En même temps, les banques et les établissements de microfinance sont invités à restructurer, au cas par cas, les dettes de leurs clients ou sociétaires, qui continuent d’arriver à échéance de remboursement.
Ces moratoires et rééchelonnements de crédits n’auront de vrai sens que si les bénéficiaires se refont une santé financière leur permettant de reprendre, le moment venu, le remboursement normal des prêts contractés.
C’est pourquoi, les banques et les établissements de microfinance sont appelés à continuer de prêter aux entreprises afin que celles-ci poursuivent ou redémarrent leurs activités et soient en capacité de rembourser les dettes antérieures ainsi que les nouveaux emprunts.
Il est un fait que les crédits non remboursés enregistrés par le système bancaire national avoisineront les 400 milliards fcfa, en fin d’année 2020. Ce pourrait être un motif suffisant pour les banques de restreindre le crédit. Dans le contexte actuel de récession économique, ce ne serait pas un bon choix. Ni pour les banques, ni pour l’économie.
L’Etat incite en conséquence les banques à créer un fonds commun de garantie pour se prémunir du risque de crédits impayés et d’ouvrir un peu plus largement les possibilités d’accorder des crédits aux entreprises viables.
D’ores et déjà, le Gouvernement prépare le plan de relance de l’économie nationale qui prendra le relais du plan de stabilisation en cours de mise en œuvre.
Chacun a pu réaliser que, vu de l’Etat, le plan de stabilisation porte essentiellement sur les aspects budgétaires et financiers.
Le plan de relance à venir mettra l’accent sur les aspects structurels notamment la poursuite des réformes pour rendre l’économie nationale plus attractive, la mise en œuvre des stratégies nationales agricole et d’industrialisation, le renforcement du capital humain et la promotion de la bonne gouvernance.
La bonne mise en œuvre de ces deux plans, l’un à la suite de l’autre, offre au pays des bonnes perspectives de sortie de récession économique.
CONCLUSION
L’épidémie de Covid-19 est là. Elle fait des ravages sur les plans sanitaire, économique et social.
Le Gouvernement mobilise des ressources humaines et financières pour y faire face. Il attend de tous les organes consultatifs de la République des conseils avisés de nature à l’aider à conduire au mieux les politiques sanitaire, économique et sociale.
Le présent et l’avenir des populations congolaises en dépendent. Tous, donnons le meilleur de nous-mêmes dans l’exercice des responsabilités qui nous sont conférées par la constitution, les lois et règlements de notre pays.
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