Comment la crise économique peut être un levier pour mieux rebondir
Actualité
4. 12. 2017 | Economie
« La crise peut être un levier qui, tout ensevelissant les mauvaises habitudes, ferait de nouvelles, propices au progrès ». Ces mots prononcés par le ministre d’Etat Gilbert Ondongo, à l’occasion de la mise en service de la cimenterie Dangoté, sonnent comme un appel au sursaut, au refus du fatalisme. Le chef du département de l’économie a voulu rompre le climat de peur entretenu par les médias étrangers, briser le cercle vicieux dans lequel semblent s’enfermer de nombreux congolais et rappeler à chacun que cette crise n’est qu’un moment normal des cycles économiques. En dehors de l’angoisse qu’elle suscite, la crise peut aussi être porteuse de nombreuses opportunités, à condition de savoir les identifier et les saisir. Plusieurs économistes n’ont-ils pas démontré que les périodes les plus difficiles sont aussi les plus intéressantes pour créer et développer des affaires ?
La situation financière et économique difficile que traverse le Congo n’est pas la première du genre, elle n’est pas non plus une exclusivité. Ce contexte pénible fait partie de la vie économique de toutes les nations. En Afrique Centrale, toute la zone CEMAC est presqu’entièrement touchée. C’est ce qui a, du reste, nécessité un Sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de la Communauté le 23 décembre dernier à Yaoundé 2016.
En outre, en soutenant que « la crise peut être un levier… », Gilbert Ondongo a voulu sans doute créer l’électrochoc qui manquait si cruellement au débat, afin de sortir les congolais du fatalisme et les amener à développer des anticorps contre la virose informative répandue par les médias étrangers. Le ministre de l’économie a voulu aussi apporter un bémol à ce débat, pour atténuer les mauvais souvenirs laissés par les « Programme d’ajustements structurels et Programmes d’ajustements structurels renforcés », des années 1980 donc l’onde de choc est ressentie jusqu’à nos jours. Se référant à quelques penseurs des sciences économiques, Gilbert Ondongo a indiqué qu’il est dans l’ordre normal des choses que la récession succède à la prospérité. Car, après avoir été au summum de son potentiel jusqu’en 2013, l’économie congolaise ne pouvait qu’arriver à la phase de récession, en affichant un PIB négatif de l’ordre de -4%.
Pour se sortir de cette phase, Il est question que le gouvernement pose un diagnostic objectif et sans complaisance, en sondant les grands corps de l’Etat ; ce qui l’aiderait à comprendre que la baisse brutale des prix du pétrole sur le marché international n’est pas la seule cause de tous les maux dont souffre le Congo. Il suffit d’interroger les habitudes et pratiques des uns et des autres pour se rendre à l’évidence que la relation des congolais au travail et à la chose publique laisse à désirer. Des faits sociaux comme la paresse sur les lieux de travail, l’absentéisme, le détournement des deniers publics, le goût de la facilité, la corruption, la concussion, le népotisme, la fraude sous toutes ses formes..., sont de véritables goulets d’étranglement pour l’économie nationale. La plupart de ces maux, sinon tous, sont engraissés par l’impunité, devenue un véritable cancer pour toutes les sphères de l’administration publique. Au-delà de la quête de justice, la première obligation est d’empêcher par tous les moyens que l’histoire ne se répète ; que les leçons à prendre dans la souffrance aujourd’hui, se transforment en bénéfice demain.
Comment la crise économique peut-elle se muer en opportunité ?
Nul doute, toute crise économique ou financière est d’abord une épreuve pour le pays concerné et sa population. Mais, les économistes sont unanimes sur l’opportunité que représente ce moment, cette phase particulière de l’économie. Les populations auraient bien tort de s’enfermer dans des considérations faites de résignations, en faisant de la crise économique un coupe-gorge invincible. Le pays dispose de nombreux atouts capables de permettre la relance économique et une croissance soutenue. Il est simplement question de retourner la situation, en ensevelissant les mauvaises habitudes, en faisant naître de nouvelles, déterminantes pour l’avenir du pays.
Il y a peu, dans son message sur l’état de la nation, le Président Denis Sassou-N’Guesso a appelé à l’effort collectif, en engageant les congolais sur la voie de la rigueur dans toutes les entreprises : « Rigueur pour tous. Rigueur pour le gouvernement qui doit donner l’exemple, montrer le chemin, dire la vérité». Dans ce contexte, l’état d’esprit des dirigeants est primordial, en ce qu’ils doivent faire preuve de plus d’imagination, de volontarisme et d’optimisme. Ils ont pour rôle de fixer le cap, d’indiquer clairement la vision et l’ambition sur le court, le moyen et le long termes. C’est sans doute le moment tant attendu pour enfin, adopter les comportements enclins à la bonne gouvernance.
Cette crise est également révélatrice de stratégies et pratiques imparfaites du passé. De ce fait, elle permet d’identifier les erreurs commises, et s’engager à ne plus les reproduire. Par exemple, si depuis de nombreuses décennies, le développement du Congo ne se projetait qu’avec les ressources pétrolières, aujourd’hui, la crise force le pays à diversifier le portefeuille d’activités contributives au budget de l’Etat.
L’heure est donc au changement de paradigmes : prendre la vraie mesure du mal et opérer la bascule des comportements et pratiques décriés depuis fort longtemps ; travailler à l’amélioration de la qualité de l’investissement ; engager le pays dans les réformes soient-elles drastiques ; avoir la culture de l’évaluation et de la sanction…
Occupant les profondeurs du classement du Doing Business 2018 (179è rang mondial), le Congo a tout intérêt à saisir ces instants de crise pour augmenter son score de la distance de la frontière, c’est-à-dire améliorer ses performances, donc son climat des affaires, afin d’attirer le maximum d’investisseurs possible. Aujourd’hui, les difficultés du pays tiennent aux indicateurs suivants : la création d'entreprise ; la facilité à faire les affaires ; le paiement de taxes et impôts ; le commerce transfrontalier ; l'exécution des contrats ; l'accordement à l'électricité ; la protection des investisseurs minoritaires...
Dans ce contexte, le risque est que le Congo ne saisisse pas toutes les opportunités à sa portée, pour rebondir. Dès lors, la prise de conscience individuelle et collective, en vue d’un changement général de mentalité, devient un impératif.
Jules Débel
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